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ENSEMBLE
Initiative pour la création d'un Conseil National de l'Enfance
et d'une Instance Interministérielle à l'Enfance
Initiative pour la création d'un Conseil National de l'Enfance
et d'une Instance Interministérielle à l'Enfance
Préambule
Constatant depuis de longues années l’absence d’une politique nationale
globale pour l’enfance, plus de 100 organisations[1],
répondant à l’initiative du Collectif Pas
de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans, se sont rassemblées
au sein du Collectif national CEPE –
« Construire ensemble la politique de l’enfance » et lancent le
présent appel.
Elles demandent qu’une véritable politique de la petite enfance, de
l’enfance et de la jeunesse soit co-construite, avec l’ensemble des acteurs
concernés.
Pour cela
elles appellent à la création d'un
dispositif combinant deux instances, un Conseil
National de l’Enfance et une Instance
Interministérielle à l’Enfance.
Déclaration
Pour qu’advienne un grand et vrai projet,
digne de l’enfance, celle-ci doit bénéficier d’une politique qui :
- reconnaît chaque enfant[2] comme une personne unique, dont le développement est singulier, titulaire des mêmes droits que tout être humain, mais qui nécessite une écoute et une attention particulières au titre de ses possibilités propres et spécifiques ;
- prend en compte ses besoins en termes d’accueil, de santé et développement, d’éducation, de culture, de loisirs, de repos, d’émancipation et de bien-être, au sein de sa famille et dans les institutions et services qui y contribuent ;
- lui offre des conditions de vie dignes et épanouissantes, dès la naissance, et ce jusqu’à l’entrée dans l’âge adulte ;
- fait une large place à la prévention des difficultés et des souffrances de l’enfant, aussi précocement que possible avant leur éventuel cumul, tout en respectant la singularité, la variabilité et la liberté du développement de chaque enfant et des processus de parentalité ; une prévention prévenante[3], humaniste et éthique, qui évite les dommages occasionnés à la personne en prenant soin de sa dignité et en soutenant sa capacité à reprendre confiance en elle-même et en la société ;
- garantit un accès pour chaque enfant et pour tous les enfants aux mêmes droits fondamentaux et indivisibles reconnus par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, qu’il s’agisse des droits sociaux, économiques et culturels ou des droits civils et politiques.
Cette politique doit être mise en œuvre par un réseau d’acteurs
pluri-institutionnels et pluridisciplinaires, en y associant pleinement et
systématiquement les familles et les enfants.
CONSTATS
1
- Des enjeux autour de l’enfance réaffirmés…
La prise en considération des
enfants et des jeunes constitue un enjeu majeur pour notre société. Elle est au
cœur d’une priorité affirmée par le Président de la République : « Je veux remettre l’éducation et
la jeunesse au cœur de l’action publique » est une des promesses du
candidat François Hollande.
Le Comité des droits de l’enfant
de l’ONU, dans les observations faites à la France, en juin 2009, s’est dit
préoccupé par l’absence de stratégie nationale globale pour les enfants et d’un
plan national pour sa mise en œuvre. Il a invité la France à créer les
conditions d’un vaste dialogue entre les forces politiques, les professionnels,
la société civile, les parents et les enfants eux-mêmes en vue de la
formulation d’une stratégie nationale d’ensemble pour les enfants[4].
2 - … Mais des instances en
charge de l’enfance morcelées
Les questions liées à l’enfance
et à la jeunesse sont complexes, car elles sont pluridimensionnelles – sociales, psychologiques, médicales, éducatives, politiques,
économiques, culturelles et éthiques –, pluri-institutionnelles et concernent
de multiples acteurs, tant politiques que relevant de la société civile :
État, collectivités territoriales, caisses d’allocations familiales, associations…
Or un an après l’élection de François Hollande :
- Certes, la composition du nouveau
gouvernement a fait plus de place à l’enfance au travers de quatre ministères
et ministères délégués dédiés : Ministère délégué auprès du Ministre des
affaires sociales et de la santé, chargé de la famille, Ministère de
l’Education Nationale, Ministère délégué auprès du Ministre de l’Education
Nationale, chargé de la réussite éducative, et Ministère des sports, de la
jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, ainsi que le
ministère de la Culture avec une volonté affichée de mettre en place un plan
national d’éducation artistique et culturelle en direction des jeunes « …
de la petite enfance à l’université … ». Mais le découpage actuel maintient un éclatement et un
cloisonnement des politiques et dispositifs en direction de l’enfance entre une dizaine de ministères, fortement
critiqué depuis quelques années par tous les acteurs.
- Certes, la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté a préconisé en décembre 2012, dans ses travaux préparatoires, la formalisation d’une stratégie nationale pour l’enfance, en concertation avec les acteurs concernés, avec un pilotage interministériel de sa mise en œuvre. Mais cette proposition n’a pas été retenue, ni par le Premier Ministre à l’issue des travaux, ni par le plan quinquennal présenté quelques semaines plus tard.
- Certes, le comité interministériel à la jeunesse du 21 février 2013 a instauré un délégué interministériel à la jeunesse mais qui a mis près d’un an à être nommé, ce qui questionne sur le caractère prioritaire de cet enjeu. De plus, le comité a émis des recommandations portant sur différentes « tranches d’âge de la jeunesse » (16-26 ans, 16-18 ans, moins de 30 ans etc…), sans stratégie globale dès l’enfance. Par ailleurs, la délégation est rattachée au ministère de la jeunesse, sans véritable capacité pour coordonner, voire pour « peser » sur les autres ministères.
- Certes, le Premier Ministre a créé un Commissariat général à la stratégie et à la prospective par décret du 23 avril 2013, instance qui a vocation à devenir un lieu d’échanges et de concertation, en particulier avec la société civile. Il doit apporter son concours au gouvernement pour la détermination des grandes orientations de l’avenir de la nation et des objectifs à moyen et long termes de son développement économique, social, culturel et environnemental ainsi que pour la préparation des réformes avec les pouvoirs publics. Mais, si une commission enfance vient d’être instaurée, et si elle travaille notamment avec le Haut Conseil de la Famille, aucune visibilité n’est donnée sur le calendrier, les objectifs et la méthode de ses travaux, notamment en termes de concertation et de co-construction avec la société civile.
Toutes ces mesures ne sauraient donc répondre à
l’ambition affichée par le candidat président de
faire de la jeunesse une priorité de son quinquennat, de donner aux enfants et
aux jeunes toute leur place en leur consacrant une politique transversale.
Force
est de constater qu’il n’y a pas aujourd’hui d’impulsion ou de pilotage
national de ces politiques qui traduisent une prise en compte globale de
l’enfant et du jeune. Si des instances spécifiques ad hoc existent, permettant une forme de coordination entre les
ministères compétents, celle-ci demeure limitée et dispersée entre les
différents secteurs. Il manque une impulsion politique forte au niveau national
en direction de l’enfance et de la jeunesse, tant pour ce qui concerne
l’élaboration concertée de ses finalités et de ses objectifs que pour son
pilotage et sa mise en œuvre.
3 - Et pourtant, au quotidien,
sur les territoires
De nombreux professionnels et élus intervenant auprès des enfants, ainsi
que de nombreux parents, dans la diversité de leurs compétences, de leurs
expériences et de leurs pratiques, inventent des réponses concertées. Les uns
pour accompagner le développement de chaque enfant dans sa singularité, et
soutenir ceux qui en ont besoin, sans les stigmatiser ni les enfermer dans des
diagnostics prédictifs. Les autres pour mettre en place des projets locaux et globaux en matière
d’éducation ou de loisirs notamment. Tous font ainsi la preuve qu’une autre
logique est possible, différente de celle qui a été à l’œuvre depuis une
dizaine d’années et présentait la jeunesse comme un problème, rendait les
familles seules responsables des difficultés de leurs enfants au point de les
stigmatiser financièrement, et prétendait protéger la société par la sélection
des plus « méritants », la contention et la mise à l’écart de ceux
qui posent problème, ou le contrôle de plus en plus précoce des comportements.
Lors du Forum « Pour la
prévention prévenante en petite enfance » organisé par le
collectif Pasde0deconduite en janvier
2012, de nombreux témoignages d’initiatives, vivantes et
multiformes, existantes en de nombreux points du territoire national, ont été
apportés. De même, depuis dix ans,
les concepteurs et les acteurs des projets locaux en matière d’éducation
présentent, analysent et diffusent les réalisations que permettent leurs
coordinations larges et systématisées à l’échelle des territoires communaux ou
inter-communaux. Ces initiatives constituent autant d’alternatives crédibles
pour d’autres conceptions de l’accompagnement, de l’éducation au sens large et
de la prévention des difficultés des enfants. Des conceptions humanisantes et
éthiques… La matrice d’une politique renouvelée de l’enfance.
Propositions et perspectives
Nous,
signataires du présent appel, demandons solennellement
la création d’un dispositif national pour
l’enfance
qui
mette en
place une véritable politique de
l’enfance et de la jeunesse,
porteuse
d’une vision globale de l’enfant tout en permettant une prise en compte
des spécificités inhérentes à chaque âge et à la variété des
situations que les enfants rencontrent.
Elle doit être
co-construite par l’ensemble des acteurs et des décideurs concernés, enfants, parents, pouvoirs
publics, professionnels, acteurs de la société civile.
Pour cela nous appelons à
constituer d’urgence
un
dispositif combinant deux instances,
- une Instance Interministérielle à l’Enfance
- et un Conseil National de l’Enfance,
qui rassemblent et portent
cette politique nationale de l’enfance et de la jeunesse, coordonnée depuis
l’aube de la vie jusqu’à l’entrée dans l’âge adulte.
1. Une Instance
Interministérielle à l’Enfance
Sa raison d’être politique : la
création de cette instance permettrait de redonner une impulsion politique
forte à l’action gouvernementale et publique pour l’enfance au niveau national,
de veiller à ses déclinaisons territoriales, et de l’inscrire dans la
perspective de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) et
« d’une politique globale prévenante »
pour l’enfance.
Ses compétences :
L’Instance Interministérielle serait compétente pour piloter et coordonner,
préparer et suivre la mise en œuvre de l’action du gouvernement sur l’ensemble
des enjeux, des finalités et des problématiques relatifs à la petite enfance, à
l’enfance et à la jeunesse. Elle devrait donc être impérativement placée auprès du Premier Ministre et rattachée pour sa gestion à
un ministère[5].
Elle
traiterait des questions relatives au développement des enfants, à
leur santé, à leur éducation et à leur vie quotidienne : accueil et éducation de la petite enfance de 0 à 6
ans, cursus scolaire dès la maternelle, apprentissage et formation, accès aux sports, aux loisirs et aux temps
libres, à l’art et la culture, à la citoyenneté, aux activités périscolaires et
extrascolaires, protection de l’enfance, justice des mineurs…
Ses missions : sa vocation serait de concevoir
une politique porteuse d’une vision globale et transversale, dans l’espace et
le temps, du développement des enfants et des jeunes,
sans pour autant viser une intégration des différents services.
A ce titre :
- elle apporte au Gouvernement son concours à la définition de cette politique ;
- elle coordonne l'action des ministères concernés sous l’autorité du Premier Ministre ;
- elle initie ou est associée à la définition de tout projet de texte relatif à la politique de l’enfance ;
- elle organise la collecte des informations, à l’échelle européenne, nationale et des collectivités territoriales, et elle mène ou fait réaliser toutes les études nécessaires à l'accomplissement de ses missions.
Cette instance rend compte de ses
activités au Premier Ministre. Elle en informe les autres ministres concernés,
soit de sa propre initiative, soit à leur demande.
2. Un Conseil National de l’Enfance (CNE)
Sa raison d’être
politique :
cette instance, indépendante de la sphère gouvernementale ou décisionnelle, devrait bénéficier d’une reconnaissance certaine des pouvoirs publics sans pour autant être placée en situation d’allégeance à leur égard. Elle doit permettre la rencontre et la confrontation des acteurs de l’enfance de tous horizons (cf. ci-après).
cette instance, indépendante de la sphère gouvernementale ou décisionnelle, devrait bénéficier d’une reconnaissance certaine des pouvoirs publics sans pour autant être placée en situation d’allégeance à leur égard. Elle doit permettre la rencontre et la confrontation des acteurs de l’enfance de tous horizons (cf. ci-après).
Ses compétences :
Le
Conseil national de l’enfance permettrait d’assurer une concertation entre tous
les acteurs agissant dans le domaine de l’enfance, organisations et
associations parentales et familiales, professionnelles, universitaires,
citoyennes, etc., et les pouvoirs publics, nationaux et locaux, ceci en englobant l’ensemble des enjeux, des
finalités et des problématiques liés aux différents temps et espaces de vie de
l’enfance. L’État, pour sa part (via l’Instance interministérielle à
l’enfance), devrait demeurer garant de la politique de l’enfance et de la
jeunesse, en impulsant de grandes orientations et en appliquant ses missions de
régulation, notamment au niveau des collectivités territoriales et des branches
« famille » et « maladie » de la Sécurité sociale.
Ses missions pourraient être les
suivantes :
- examiner de sa propre initiative toute question touchant aux domaines de la petite enfance, de l’enfance et de la jeunesse ;
- émettre des avis sur tout projet, programme ou étude envisagés dans ces domaines sur consultation du gouvernement ;
- assurer une mission d’observation, de vigilance, d’alerte et de plaidoyer ;
- être force de propositions et faire des recommandations face aux questions soulevées par les enfants et les jeunes, et à leur évolution ;
- identifier, recenser et diffuser les expériences européennes, nationales ou territoriales concourant à des pratiques ou des politiques prévenantes et, chaque fois que possible, participatives, dans les domaines de l’enfance et de la jeunesse ;
- contribuer au recueil, à l’extension, à l’approfondissement et à la diffusion des connaissances sur l’enfance et la jeunesse, réaliser ou faire réaliser des études à caractère multidisciplinaire sur les situations et phénomènes touchant les enfants et les jeunes ;
- animer des réflexions sur la coordination des politiques touchant à l’enfance aux plans national et territorial ;
- établir un rapport annuel, le diffuser et le valoriser ;
- organiser la sollicitation des enfants et des jeunes eux-mêmes, au moyen de méthodes appropriées afin d’inclure leurs points de vue, leur analyse et leurs propositions, et leur participation à l’évaluation des politiques publiques.
Le Conseil national de l’enfance
disposerait pour ce faire des moyens logistiques indispensables à la mise en
œuvre de ses missions. A ce titre, les études comme les avis du CNE devraient
être publics et accessibles sur internet.
Le Conseil national de l’enfance serait ouvert à l’ensemble des acteurs de l’enfance
en articulation avec les administrations compétentes, leurs déclinaisons
territoriales, et avec celles des collectivités territoriales.
Ce Conseil serait composé de
représentants des associations, syndicats, personnes morales de droit public et
privé agissant dans le champ de l’enfance, de personnes qualifiées en raison de
leurs compétences, leurs expériences ou leurs pratiques, de personnes
qualifiées au titre de leurs travaux de recherche, expertise, évaluation (chercheurs, universitaires,…), de
représentants des enfants et des parents.
Un collège consultatif serait
associé au CNE, composé de représentants de l’Etat, des assemblées
parlementaires, des collectivités territoriales et des organismes de
protection sociale.
Conclusion
Dans
l'esprit tracé dès 2010 par les quatre-vingts organisations de parents, de
professionnels et de la société civile, rédactrices du Cahier de doléances des Etats
générEux pour l’enfance qui appelaient à « donner le coup d’envoi
d’une révolution ² tranquillement radicale² pour tous les enfants »[6].
Face au mal-être
grandissant des enfants et des jeunes ressentis également par leurs parents et
les professionnels qui les entourent, nous constatons que les politiques
actuelles nationales et locales relatives à l’enfance, malgré leur bonne
volonté affichée, montrent la limite des réponses préfabriquées,du
saupoudrage,du morcellement.
Face aux bouleversements économiques,
culturels et sociaux, avec un renforcement des inégalités, quel avenir
pour un pays, sans une politique ambitieuse et cohérente pour l'enfance et la
jeunesse?
Voici pourquoi, plus de 100 organisations familiales, professionnelles, culturelles... ici ensemble réunies veulent rompre avec les politiques de rustine et de replâtrage et proposent les moyens d’une nouvelle donne pour construire ensemble LA politique de l'enfance.”
Voici pourquoi, plus de 100 organisations familiales, professionnelles, culturelles... ici ensemble réunies veulent rompre avec les politiques de rustine et de replâtrage et proposent les moyens d’une nouvelle donne pour construire ensemble LA politique de l'enfance.”
Rassemblées au sein du Collectif national CEPE –
« Construire ensemble la politique de l’enfance »
elles lancent un appel pour
qu’une véritable politique de la petite
enfance, de l’enfance et de la jeunesse soit co-construite, avec l’ensemble
des acteurs concernés. Pour cela elles proposent la création d'un dispositif combinant deux instances, un Conseil National de l’Enfance et une Instance Interministérielle à l’Enfance.
[1] Renvoi à la
liste des organisations nationales et des organisations locales signataires
de l’appel, en dernière page
[2] Par
« enfant », nous entendons, au sens de sens de l’article 1 de la
Convention internationale des droits de l’enfant, « tout être humain âgé de
moins de 18 ans ». Et ajoutons que nous comptons aussi sur les enfants
pour éclairer, enrichir et orienter les discours et les actions qui les
concernent et que par conséquent, chaque fois que possible, nous les consultons
à ce sujet.
[3] Sur la notion de
pratique « prévenante » cf. la postface de : Collectif
« Pasde0deconduite » La prévention prévenante en action, éditions
Erès 2012, p.228-232
[4] Recommandations 12 à 15, Observations finales du Comité
des droits de l’enfant : France, 22 juin 2009
[5] A l’instar de la
Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain,
créée par l’article 12 du décret n°88-1015 du 28 octobre 1988 et qui la
rattachait au ministère chargé de l’urbanisme et du logement.
[6] Cf. Etats générEux pour l’enfance. Cahiers de
doléances des Etats générEux pour l’enfance (mai 2010). Paris, éditions
PETRA, téléchargeable sur : http://etatsgenereuxpourlenfance.blogspot.com/p/le-cahier-dedoleances.html
et
Etats générEux pour l’enfance. Plaidoyer pour la cause des enfants.
Toulouse, Erès 2012
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